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LE MIRACLE DU ROI CLOVIS



(XIVème siècle.)




PERSONNAGES :


AURELIEN.
Le roi CLOVIS.
Premier chevalier.
Deuxième chevalier.
Troisième chevalier.
HUCHON PASSEPORTS, écuyer,
GEFFROY, premier pauvre.
RENIER, deuxième pauvre.
CLOTILDE.
YSABELLE, la damoiselle.
LIÉNARD, troisième pauvre.
Premier conseiller.
GONDEBAUT.
Deuxième conseiller.
YTIER, chambellan.
Premier sergent.
Deuxième sergent.
Les ménestrels.
ROBERT, écuyer.
CATHERINE.
DIEU.
NOTRE-DAME.
GABRIEL.
MICHEL.
SAINT JEAN.
Un prévôt.
Le roi des Allemands.
Premier chevalier allemand.
L'écuyer d'Aurélien.
Deuxième chevalier allemand.
Troisième chevalier allemand.
Quatrième chevalier allemand.
REMI, archevêque.
Premier clerc.
Deuxième clerc.



La scène se passe tour à tour au palais de Clovis à Soissons, en Bourgogne, au palais de Gondebaut, à l'église, dans le Paradis, sur le champ de bataille, à Reims, tous ces lieux étant juxtaposés et figurés d'une façon très sommaire.

 


PREMIÈRE PARTIE


Au palais de Clovis.



AURELIEN. - Mon très cher seigneur redouté, Mahon, par la bonté duquel vous tenez le royaume de France, vous maintienne en cette puissance ! Et de même qu'il fait croître les biens, qu'il vous veuille accroître en honneur, tenir en bonne vie et vous faire venir à bout de vos entreprises, sire.


LE ROI. - Et qu'il vous veuille aussi, ami Aurélien, protéger de tout mal! Quoi qu'il en soit, faites-moi savoir comment vont les affaires de Bourgogne. Vous n'êtes pas si peu sensé, puisque vous venez de ce pays, que vous ne sachiez l'état du roi Gondebaut. J'ai besoin de savoir sur-le-champ ce qu'il en est.


AURÉLIEN. - Sire, je ne vous mentirai pas, et je crois que vous le savez bien. Selon ce que vous lui avez écrit, voici ce qu'il vous répond, cher sire. Toutefois, je veux vous dire une chose que j'ai vue : j'ai tant enquis que j'ai su que Gondebaut a une nièce, et je vous jure qu'il y a longtemps que je ne vis une si sage damoiselle, ni si gracieuse pucelle : elle a beau maintien en sa démarche, elle est si courtoise en son langage, que le monde s'en émerveille. Son teint est mêlé de lis et de rose et montre bien qu'elle est née de race royale et d'un sang élevé. Bien que le roi Gondebaut ait occis son père Chilpéric, nonobstant qu'ils fussent frères, je vous affirmerai pour vrai qu'elle est digne d'avoir un roi en mariage.


CLOVIS. - Seigneur, je vous veux découvrir mon coeur. Approchez-vous tous de moi et entendez ce que je vous dirai, je vous en prie.


PREMIER CHEVALIER. - Cher sire, dites sans délai votre volonté secrètement. Nous vous ouïrons tous de bon cœur, n'en doutez point.

 

DEUXIEME CHEVALIER. - Oui, vraiment, et à cela j'ajouterai un point ; si vous avez besoin d'un conseil, vous l'aurez tel que vous pourrez le souhaiter pour votre honneur, Sire.

CLOVIS. - C'est bien, voici ce que je veux vous dire : je tiens que je suis d'âge à avoir en mariage une femme dont il me puisse venir une lignée royale, qui dans l'avenir gouverne mon royaume, le maintienne et le défende comme son bien après ma mort. Le roi Gondebaut, à ce qu'on dit, a une nièce belle et gentille ; mon intention est de la demander pour femme, si vous me le conseillez. Je vous prie donc de vouloir me dire ce qu'il vous en semble.


Le premier chevalier, après avoir consulté les deux autres au troisième.

 

PREMIER CHEVALIER. - Répondez pour nous tous ensemble, sire, nous vous donnons notre assentiment. Tout ce que vous ferez, nous l'approuvons.


TROISIEME CHEVALIER. - Seigneurs, vous me chargez d'un faix, qui ne m'est pas trop léger. Mais néanmoins, pour ne pas perdre de temps, je vous en dirai mon avis. Roi Clovis, si vous me croyez, certes vous vous marierez le plus tôt que vous pourrez. Si Gondebaut vous veut donner pour femme sa nièce, et qu'elle y consente, prenez-la, je vous le conseille, je vous y engage, pour le bon renom qu'on lui porte et pour le grand bien qu'on en dit, et s'il n'y consent pas, il en faudra chercher une autre bonne pour vous en une autre terre et de sang royal.


DEUXIEME CHEVALIER. - Ce conseil est bon et loyal en vérité.


PREMIER CHEVALIER. - Par mon âme ! il s'est bien acquitté de ce qu'il devait dire et nous sommes tous de son avis, je vous le dis bien.


CLOVIS. - Allons, approche, Aurélien. Il faut que tu ailles en Bourgogne encore pour cette affaire. Je ne saurais, pour la conclure, meilleur légat envoyer. Je vais donc te dire ce que tu feras. Tu t'arrangeras pour parler en secret à la damoiselle, dont tu m'as parlé ; garde-toi d'y manquer. Tu lui présenteras, comme don de fiançailles, ces vêlements, qui sont d'or ; tu lui donneras cet anneau de ma part, elle n'a pas à craindre de l'accepter, si elle doit être ma femme. Je veux l'avoir.


AURÉLIEN. - Sire, je ferai voire volonté au mieux et au plus sagement que je pourrai faire, croyez-le. Je vais donc prendre congé de vous et appeler mon écuyer.
Approche, Huchon Passeporte, tiens, prends ce petit paquet sous ton bras.


Il lui remet les vêtements.


L'ÉCUYER. - Volontiers, monseigneur ; c'est de l'étoffe, je pense.

 

AURÉLIEN. - Inutile de s'occuper de ce que c'est, il faut l'emporter en nous en allant. Va toujours. Cher sire, écoutez : je vous recommande à Mahon, je m'en vais ; mais je reviendrai le plus tôt que je pourrai, n'en doutez pas,


CLOVIS. - Va donc et rapporte-moi toute la volonté de la princesse au sujet de ce qui m'occupe, et s'il lui plaira d'être ma compagne.


AURÉLIEN. - Mon redouté seigneur et maître, n'ayez pas d'inquiétude, en mon cœur sera écrit tout ce qu'elle me dira et je n'en oublierai rien pour vous le ra- conter à mon retour.


CLOVIS. - Dépêche-toi ! sans rester ici davantage, mets-toi en route !


En Bourgogne, devant une église.


PREMIER PAUVRE. - Attends-moi, attends,Renier ! Renier !Arrête,que je te parle. Où vas-tu si tôt ? Par ta foi ! ne me mens pas !


LE DEUXIÈME PAUVRE. - Autant que je peux je presse le pas et me peine afin d'être à propos avec les autres pour la distribution.


PREMIER PAUVRE. - Par qui sera-t-elle faite et où ?


SECOND PAUVRE. - Ne sais-tu pas bien, Coquart, que Clotilde, la nièce du roi, donne de ses mains aux pauvres, qui sont devant elle et qu'elle voit en avoir besoin, son
aumône au sortir de l'église, aux uns plus, aux autres moins, suivant son idée et sa dévotion. Aussi je vais savoir, c'est ma conclusion, si j'aurai d'elle quelque chose par charité.


PREMIER PAUVRE. - Renier, sache, en vérité, que nulle part aujourd'hui elle n'est allée ni de son hôtel n'est sortie, je le sais certainement. Allons-nous-en donc tout doucement devant l'église pour l'attendre, et demander l'aumône aux autres gens.


Dans le palais de Gondebaut.


CLOTILDE, accompagnée d'Isabelle, sa suivante. - Isabelle, prenez tout de suite mon livre où vous l'avez mis et venez-vous-en avec moi à l'église.


LA DAMOISELLE. - Volontiers, ma dame, par ma foi.


Elle va chercher le livre et le donne à sa maîtresse.


CLOTILDE. - Allons-nous-en. Que Dieu soit pour mon âme débonnaire et miséricordieux ! Avant que je m'éloigne davantage de cet endroit, je veux faire le signe de la croix et me recommander à Dieu pour qu'il m'aide comme j'en ai besoin.


Elles arrivent à l'église.


A l'église.


CLOTILDE. - Damoiselle, puisque je suis à l'église, donnez-moi vite mon livre.


LA DAMOISELLE. - Le voici, dame. Je tiendrai la bourse.


CLOTILDE. - Gardez-la jusqu'à ce que je veuille m'en aller d'ici.


LA DAMOISELLE. - Je ferai comme vous le désirez, je m'assoirai derrière vous et je dirai mes patenôtres à voix basse.

Dans la rue.


TROISIEME PAUVRE. - Je ne sais si je vais trop tard à l'église, après que la belle Clotilde a fait sa distribution. Il faut que je me dépêche. Ah ! je crois qu'elle n'est pas encore sortie, puisque je vois là Renier et Geffroy. J'ai espérance qu'ils l'attendent, puisque je les vois tendre les mains ; ils acceptent tout sans difficulté. Seigneurs, près de vous je viens me ranger. Dites-moi la vérité, s'il vous plaît. Clotilde a-t-elle fait sa distribution ?


PREMIER PAUVRE. - Nenni, nous l'attendons, Liénard. Soyez le bienvenu.


TROISIEME PAUVRE. - Que Dieu vous soit doux et miséricordieux et vous donne du bien !


SECOND PAUVRE. - Mets-toi en rang comme nous ; viens ici, ami Liénard.


TROISIEME PAUVRE. - Volontiers. Allons, me voici placé. Avez-vous maille ou denier ? Dites-le-moi, Renier, et que Dieu vous protège.


SECOND PAUVRE. - Ma foi, je n'ai encore tenu aucune forme de monnaie aujourd'hui, Liénard.

PREMIER PAUVRE. - Ni moi non plus, Dieu me garde !...


TROISIEME PAUVRE. - Ah ! depuis que nous sommes nés, Dieu nous a si bien pourvus, que nous avons eu de quoi vivre, tant bien que mal, jusqu'à présent. Aussi il nous
pourvoira encore : restons en paix.


Dans une autre partie du théâtre, voisine de l'église.


AURÉLIEN, le messager de Clovis, arrivé en Bourgogne. - Huchon, je veux aujourd'hui me mettre et vêtir en un habit tel que je ressemble à un pauvre homme. Sans partir de cette place, allons, aide-moi à me déshabiller afin que j'aie plus tôt fait. Il me faut aviser d'accomplir mon dessein avec précaution et sagesse.


Ici il s'habille en pauvre.


Or, dis-moi maintenant si je ressemble à un homme à qui on ne doive point refuser l'aumône.


L'ÉCUYER. - Oui, sire, Mahon me protège ! Vous ressemblez bien à un pauvre homme ! Mais voulez-vous donc sortir ainsi déguisé ?


AURÉLIEN. - Oui, tu m'attendras ici jusqu'à ce que je revienne. Dessous mon aisselle j'emporterai ce petit sac, j'en aurai besoin. Mais prends bien garde qu'à mon retour je te trouve ici.


L'ECUYER. - Ne craignez pas que je bouge d'ici jusqu'à ce que vous reveniez.


Dans l'église.


CLOTILDE, - Isabelle, me direz-vous ? M'est avis qu'il est temps de m'en aller. Nous avons, à parler bref, été suffisamment ici.


LA DAMOISELLE. - Dame, vous dites vérité, car avant que vous ayez fait votre distribution, midi sera sonné, n'en doutez pas.


CLOTILDE. - Tenez, mettez mon livre en sûreté. Je veux atteindre de l'argent, que je donnerai à ces pauvres gens quand je passerai.


Devant l'église.


AURÉLIEN, déguisé en pauvre.Je m'en vais vite aller parmi ces pauvres gens, qui sont là-bas. Je vois Clotilde, qu'ils attendent, venir à eux ; et ils lui tendent tous les mains pour avoir l'aumône. Je vais faire moi aussi de même pour savoir si j'aurai occasion de lui parler en secret.


CLOTILDE, aux pauvres. - Tenez, priez Dieu dévotement qu'il prenne en gré, seigneurs, ce que je fais et qu'il me tienne toujours en son amour et en sa foi.


PREMIER PAUVRE. - Dame, que Dieu soit tellement votre ami qu'en sa gloire infinie il veuille mettre votre âme !


TROISIEME PAUVRE. - Chère dame, pour cette aumône que vous me faites, que Dieu vous accorde d'avoir à la fin la gloire des cieux !


CLOTILDE, à Aurélien. - Toi, que je n'ai pas l'habitude de voir ici, plus qu'aux autres je te ferai du bien : tu auras ce denier d'or ; tiens et sois bien aise.


AURÉLIEN. - Il convient que je baise cette main, et je tirerai ce manteau en arrière, ne vous déplaise, chère dame !


CLOTILDE. - J'ai accompli ma volonté en action, allons-nous-en sans retard. Isabelle, savez-vous ce que vous ferez ? Vous irez dire à ce pauvre qu'il vienne me parler un peu. J'ai grand désir de savoir quelle est sa naissance et son pays. Dépêchez-vous, allez le chercher, je vous en prie.


Elles rentrent au palais.


LA DAMOISELLE. - Madame, j'y vais sans tarder.


Elle vient trouver Aurélien.


Ami, ne vous tenez plus ici ! Venez parler à ma dame ; Clotilde le vous mande par moi. Vous devez, puisqu'elle le désire, venir auprès d'elle.


AURÉLIEN. - J'irai volontiers, ma belle, allez devant.


LA DAMOISELLE. - Je vais.


Au palais.


LA DAMOISELLE. - Chère dame, parlez maintenant à cet homme, que je vous amené ; il est venu en votre logis sur votre demande.


CLOTILDE. - Entrez, sire. Approchez-vous. Isabelle, allez un peu dehors. En particulier je veux un peu parler à ce brave homme.


La damoiselle sort.


AURÉLIEN. - Je veux déposer ici ce sac derrière la porte.


CLOTILDE, - Dites-moi la vérité, mon cher ami, quelle cause vous a fait mettre en tel état que vous semblez être un pauvre ? Et pourquoi; vraiment, avez-vous tiré mon manteau en arrière ?


AURÉLIEN. - Si vous voulez savoir pourquoi, chère dame, en un lieu secret mettez-vous, pour que nous y puissions, selon votre gré, parler ensemble.


CLOTILDE. - Vous pouvez bien ici, il me semble, me parler en toute sûreté : vous ne verrez venir ni aller âme qui vive.


AURÉLIEN. - Dame, mon cher seigneur Clovis, qui est homme de puissance si grande et telle qu'il est roi de France, m'envoie vous faire savoir qu'il lui plaît de vous avoir pour femme ; et comme il désire vous voir avec lui, voici, dame, ce qu'il vous envoie, par amour, sans prêcher davantage, son anneau d'or, auquel il tenait beaucoup, et des vêtements dont vous serez parée quand vous serez son épouse, et que je vous baillerai aussi.


Il va chercher son sac derrière la porte.


Eh bien ! qui m'a ôté d'ici un petit sac que j'y avais mis ? Je n'ai pas trouvé ici de très bons amis, si je l'ai perdu.


CLOTILDE. - Je vous vois tout ébahi et tout désolé ce me semble, mon doux ami ? Qu'avez-vous perdu ? Dites- le-nous clairement.


AURELIEN. - Ici, madame, j'avais laissé un petit sac ; et sa- chez bien, en vérité, que dedans il y a ce que je comptais vous présenter et que mon seigneur vous envoie par grand amour.


CLOTILDE. - Venez çà, venez sans tarder, Isabelle ! Avez-vous ôté d'ici le sac de ce brave homme ?


LA DAMOISELLE. - Oui, madame; et sachez que ce fut quand je m'éloignai de votre chambre, car je craignis, quand je le vis, qu'on n'en fit un torchon à pieds, parce qu'il est sale et vieux. Dois-je aller le chercher ?


AURÉLIEN. - Oui, m'amie. Hélas ! quand je voyage, je mets dedans, sachez-le en vérité, ce que je puis avoir pour vivre. Il faut me le rendre.


LA DAMOISELLE. - Tu l'auras, ne t'en inquiète pas, ami. Je vais te le chercher sur l'heure.


Elle va le chercher.


Tenez ! Je n'ai pas tardé à l'apporter.


AURÉLIEN. - Grand merci ! Dame, voici mon cœur calmé, grâce à vous, m'amie.


CLOTILDE. - Isabelle, ici je ne yeux pas que vous soyez davantage. Pensez à sortir. Je veux encore un peu parler à cet homme.


LA DAMOISELLE. - Dame, je vous obéis, je m'en vais.


AURÉLIEN, après avoir ouvert le sac où sont les présents magnifiques offerts par Clovis. - Tenez et mettez de côté, chère dame, ces vêtements ; ce seront vos parures, le jour de votre mariage. Il plaît et agrée au roi qu'il en soit ainsi.


CLOTILDE. - En ce sac, ami, laissez tout : je sais bien ce qu'il faut que j'en fasse. Mais, beau sire, je vous dirai ceci. Au roi Clovis vous vous en irez et de ma part le saluerez, et après vous lui direz : « Clotilde dit qu'il n'est pas permis à une chrétienne d'être ta femme d'un païen, car c'est une chose infâme. » Néanmoins ayez soin que cela ne soit divulgué à personne, car ce qu'il plaira à monseigneur mon oncle de faire, sera fait.


Au palais de Clovis.


AURÉLIEN s'en vient rendre compte de son message au roi Clovis. - Mon cher seigneur, de tous nos dieux puissiez-vous avoir tellement l'amour et la grâce que tout le monde vous rende honneur et vous tienne pour son roi.


CLOVIS. - Aurélien, mon ami, advienne que pourra, je ne puis pas devenir roi de tout le monde, ni en être seigneur ; laissons cela ; veuillez me dire, puisque vous venez de Bourgogne, comment vous avez traité mes affaires. Dites-le-moi.


AURÉLIEN. . - Volontiers, sire, par ma foi. A Clotilde je m'en suis allé comme un pauvre, et lui ai parlé de votre affaire, et je lui ai fait présent de l'anneau et des draps de prix. Et je vous annonce qu'elle a tout accepté, mais elle m'a dit une chose qu'il convient que je vous expose, mais en secret. Voici le point : elle m'a dit qu'il n'est point permis (bien que ce soit chose possible, tout en n'étant pas licite) que chrétienne se fourvoie jusqu'à se marier avec un païen. Néanmoins elle m'a dit qu'elle fera ce que voudra son oncle, qui est homme de grande valeur. En outre, sire, elle vous salue beaucoup de fois, la bonne et belle. Et certainement je crois qu'elle vous chérit bien.


CLOVIS. - Aurélien, sans plus prêcher, aujourd'hui, je me tairai sur cela. Asseyons-nous. J'aviserai ce que je pourrai faire.


En Bourgogne, au palais de Gondebaut.


CLOTILDE. - Doux Jésus Christ, roi débonnaire, sire qui connais les pensées présentes et passées, quoique je consente à me marier avec Clovis, c'est dans l'intention de l'amener à devenir chrétien. Ah ! Sire, qui es tout parfait, je te prie, accomplis mon désir. S'il convient que ce mariage ait lieu, sire, par qui les choses bonnes se font, donne-moi la grâce de l'amener au baptême et au respect de ta loi. Je ne te veux plus prier maintenant. Je vais, sans tarder, cacher ces vêtements ; mais je mettrai cet anneau d'or dans le trésor de mon oncle, avant de faire autre chose. Il est temps à présent que je me repose. J'ai fait ce que j'avais à faire.



DEUXIÈME PARTIE.

A la cour de Clovis.



CLOVIS. - Aurélien, cela me fait trop mal de tant rester en- cet état. Encore, sans plus de retard, il convient que tu ailles en Bourgogne parler au roi Gondebaut et lui demander sa nièce pour moi. Je te prie donc d'apprêter ton départ, sans demeurer, ici plus longtemps.


AURÉLIEN. - Par les dieux qui me firent naître, Sire, volontiers je le ferai et dès maintenant je me mettrai en mouvement, puisque cela vous plaît.


CLOVIS. - Va, et pense à conclure l'affaire sans plus de délai. Car je tiens que, quand j'aurai épousé Clotilde, j'en serai mieux.


AURÉLIEN. - Je vous recommande à tous nos dieux.


Il part pour la Bourgogne avec son écuyer Huchon. Clovis donne ordre aux chevaliers d'aller le rejoindre pour lui servir d'escorte. Les chevaliers rattrapent Aurélien et arrivent avec lut à la cour de Gondebaut.


A la cour de Gondebaut.


AURÉLIEN, à Gondebaut. - Sire roi, Mahon que vous avez servi comme dieu, vous accorde d'obtenir son amour !


GONDEBAUT. - Sois le bienvenu. Fais-moi savoir qui tu es et de quelle terre et ce que tu viens ici chercher. Ne me mens pas.


AURÉLIEN. - Je vous le dirai sur-le-champ. Sire, Clovis, te roi de France, qui est un roi de grande puissance, vous demande, sauf votre respect, en mariage Clotilde, qui est votre nièce.


GONDEBAUT. - Seigneurs, considérez l'intention de Clovis et regardez l'occasion qu'il cherche pour avoir un grief contre moi. Il me demande pour femme ma nièce, qu'il n'a jamais vue de sa vie, Il a envie, je puis vous l'assurer, de marcher contre nous, si je refuse. Et toi, tu es venu espionner quel pays j'ai, je te le dis en vérité, sous prétexte que Clovis de- mande d'avoir une femme, qu'il ne vit jamais.., Va-t-en, et annonce-lui que je considère ce que tu m'as dit comme des contes frivoles et que ce ne sont que des paroles pour me tromper.


AURÉLIEN. - Sire, je ne vous le cacherai pas, mon cher seigneur le roi Clovis vous demande par moi que vous vouliez bien lui indiquer un lieu convenable où il pourra prendre Clotilde pour épouse. Si vous ne voulez pas qu'il vienne ainsi, de sa part je vous dis que bientôt vous l'aurez ici, lui et son armée, pour vous combattre.


GONDEBAUT. - Eh bien ! je saurai bien me défendre, s'il vient ici, et je ferai tant que je vengerai le sang de ceux qui ont été occis par lui. Son cœur est méchamment gonflé d'un grand orgueil.


PREMIER CONSEILLER DE GONDEBAUT. - Cher sire, je veux vous dire un mot. Mais, seigneurs, retirez-vous un peu en arrière. S'il vous plaît, sire, vous m'écouterez : à vos ministres et à vos chambellans aussi demandez s'ils savent rien qui se rapporte à celte affaire. Clovis a-t-il envoyé déjà quelques dons qui indiquent l'intention qu'il a de chercher l'occasion d'exécuter le dessein qu'il a contre vous ? Son but doit être de faire de vous son sujet et de soumettre votre royaume, je vous dit vrai !


DEUXIEME CONSEILLER. - En vérité vous devez Savoir, sire, que quand Clovis se met en colère, il devient furieux comme un lion, je puis vous le dire. Il n'est homme né de mère, qui ne le redoute.


GONDEBAUT. - Ytier, viens ici, et écoute-moi. Il y a longtemps que tu es à moi : sais-tu point, en vérité, si Clovis m'a envoyé quelque don ? Si tu mens, il est vivant : je le saurai.


LE CHAMBELLAN. - Mon cher seigneur, de ce que vous me demandez, puisque vous me l'ordonnez, je vous dirai, et je le jure par Mahon, mon dieu, que jamais nulle part où je fus Clovis ne vous a envoyé rien qui valût même un pauvre hareng. Et il y a plus de vingt ans que j'obtins de votre grâce l'office de chambellan.

GONDEBAUT. - Beaux seigneurs, allez donc sans tarder savoir si dans mes trésors il peut y avoir rien qui, par quelque manière, y ait été mis par Clovis, et rapportez- moi ce que vous saurez à ce sujet, chers amis.


Ils vont visiter le trésor et reviennent.


PREMIER CONSEILLER. - Cher sire, nous revenons vers vous. Nous venons de votre trésor chercher ; sachez que nous y avons trouvé un anneau d'or, où est écrit le nom de Clovis et où son portrait aussi est représenté et son visage bien taillé. Le voici. Regardez, sire.


GONDEBAUT. - Entendez donc ce que je veux vous dire. Je suppose qu'en vérité ma nièce l'a sans doute rais où vous l'avez trouvé. Je vais vous dire ce que nous ferons : nous la manderons ici et saurons si elle nous dira qu'elle l'a mis ou non où vous l'avez pris.


LE CHAMBELLAN. - Mon cher seigneur, vous avez bien dit. C'est ce qu'il faut faire.


GONDEBAUT. - Va la chercher, va vite. Dis-lui que je la mande.


PREMIER SERGENT. - J'y vais. (A Clotilde.) Votre oncle vous demande, dame. Il vous envoie chercher...


GONDEBAUT. - Je désire savoir qui a mis dans mon trésor un anneau, qui est d'or, où se trouve l'image de Clovis et son nom, à ce que je pense. Sais-tu qui peut avoir fait cela ? Je suis tout étonné et préoccupé de cela.


CLOTILDE. - Mon cher seigneur, j'en sais assez pour vous répondre et je ne cherche pas à mentir. Il y a plus d'un an entier que le roi Clovis, spontanément, vous donna en pur don des draps d'or, qu'il envoya par certains messagers, qui me semblèrent hommes sages. Ils me mirent au doigt cet anneau et me le donnèrent de sa part. Comme il était d'or, je le mis dans votre trésor en sûreté.


GONDEBAUT. - Tu as agi assez niaisement et sans conseil, lorsque tu aurais dû prendre avis, si tu avais quelque bon sens ; mais puisque, sans me consulter, il faut que l'affaire ait été ainsi, advienne que pourra ! Faites venir ces messagers que je vois là-bas.


DEUXIÈME CONSEILLER. - Volontiers, sire, en bonne foi. Seigneurs, or vite, venez sans tarder auprès du roi, qui vous envoie chercher. Dépêchez-vous !


DEUXIÈME CHEVALIER DE CLOVIS. - Puisqu'il lui plaît, nous le ferons sans plus attendre.


TROISIÈME CHEVALIER. - Sire, ne veuillez prendre notre retard en mauvaise part.


GONDEBAUT. - Nenni, vous venez à temps; mais écoutez ce que je veux vous dire : vous demandez à avoir ma nièce pour qu'elle soit la femme du roi Clovis, qui secrètement lui a envoyé par ses gens son anneau et de beaux vêtements de drap d'or, à mon insu, et a séduit ainsi la fille : c'est pourquoi, seigneurs, je vous la, livre et je me décharge tout à fait d'elle entre vos mains. Emmenez-la sur-le-champ, et ne vous altendez pas à ce que je lui fasse compagnie, ni personne de ma cour. Nenni, assurément !


AURÉLIEN. - Ah ! Sire ! que nul ne s'en mette en peine, ce n'est pas besoin, si cela ne vous chante pas ! Que votre,volonté soit faite, et puisqu'il vous plaît ainsi, nous nous en irons et nous emmènerons la demoiselle au roi de France.


GONDEBAUT. - Faites-en à votre fantaisie, je ne veux plus m'occuper d'elle, qu'elle aille où elle pourra, cela m'est égal.


DEUXIEME CHEVALIER. - Sire, sans discuter davantage, nous prenons congé de vous. Nous vouss recommandons à Mahon et à Apollon.


TROISIÈME CHEVALIER. - Puisque nous avons ce que nous demandions, il ne nous faut songer qu'à nous en aller. Allons faire monter à cheval, sans plus tarder, notre épousée,

AURÉLIEN. - Dame, votre monture est prête, ne vous faites pas de souci, vous aurez bonne compagnie de nous tous.


CLOTILDE. - Merci, mes doux amis, et j’espère que le temps viendra où je pourrai vous récompenser.


AURÉLIEN. - Seigneurs, écoutez-moi ; depuis deux jours pour certain j'ai vu que le roi Clovis est parti de Paris et est allé à Soissons : il faut donc que nous laissions le chemin de Paris, quand nous seions en selle, et que nous allions droit à la cité de Soissons.


DEUXIÈME CHEVALIER. - C'est bien, il n'y a personne de nous qui ne le fasse volontiers. Allons monter à cheval.


Les chevaliers de Clovis partent d'abord, suivis bientôt de Clotilde, escortée par Aurélien.


A Soissons.


LE TROISIÈME CHEVALIER, qui a devancé les autres. - Mahomet ! Je dois bien vous rendre grâces d'être venu par une route qui m'amène devant le roi, que je vois assis en sa majesté. J'en ai grande joie. Ah ! que cet état lui sied bien ! Il faut que j'aille lui parler. Sire, Mahon et Tervagant vous rendent joyeux !


CLOVIS. - Soyez le bienvenu ! Qui t'a conseillé de venir seul ainsi ?


TROISIÈME CHEVALIER. - Sire, Aurélien et les siens, qui m'ont envoyé en avant pour vous conter et annoncer ce que nous avons fait.


CLOVIS. - Les Bourguignons vous ont-ils fait quelque mal, petit ou grand ?


TROISIÈME CHEVALIER. - Nenni, sire. Mais Gondebaut s'est montré courroucé et mal disposé. Il a dit qu'on avait séduit sa nièce en lui offrant un anneau d'or, qu'elle avait mis en son trésor. Aurélien d'ailleurs, quand il sera venu, vous dira le reste. Pour l'instant, je vous annonce qu'il vous amène la fille que vous devez avoir en mariage.


CLOVIS. - Dites-moi donc si vous savez quand ils viendront.


TROISIÈME CHEVALIER. - En cette ville ils seront ce soir, ou demain, sire, à l'heure du dîner. Aussi j'irai voir, s'il vous plaît et agrée, en l'hôtel où ils doivent descendre, si tout est préparé.


CLOVIS. - Oui, va t'en mettre en peine, sans rester ici plus longtemps ; et s'ils sont arrivés, fais-les venir à moi.


AURÉLIEN, arrivant à Soissons avec Clotilde. - Dame, je tiens que depuis deux mois et plus que nous avons été ensemble, vous ne devez pas avoir eu, en vérité, une joie égale à celle que vous allez avoir aujourd'hui, Car je vois que nous arrivons dans la ville où vous trouverez celui dont vous serez la femme, et qui tant vous honorera qu'il vous fera reine du royaume de France, qui est, sans conteste, plus renommé que toute autre terre. Avançons-nous donc, dame, tous deux ensemble.

CLOTILDE. - Sire Aurélien, il me semble que je vois là celui que vous avez chargé d'aller pour nous vers le roi.


DEUXIÈME CHEVALIER. - Dame, c'est la vérité, ma foi !


AURÉLIEN, se présentant devant Clovis assis sur son trône. - Au nom de Mahon, qui est notre vrai Dieu, monseigneur, et qui vous a protégé en maints lieux, je vous salue.


CLOVIS. - Soyez le bienvenu en notre maison, et vous tous, que je vois ici assemblés. Or çà, dites-moi, je vous en prie, est-ce la nièce de Gondebaut que je vois ici présente ?

 

DEUXIÈME CHEVALIER. - Sire, sans plus de débats, oui, c'est elle.


CLOVIS. - Soyez la bienvenue, damoiselle ; de votre arrivée j'ai grande joie. Puisque vous devez être mienne et que je serai votre mari, je vous couronnerai reine et souveraine de la France.


CLOTILDE. - Cher sire, au salut de votre âme d'abord et de la mienne ensuite ce que je vous entends dire puisse-t-il contribuer et non autrement.


CLOVIS. - Allons vite, seigneurs. Faites qu'elle soit menée en sa chambre là derrière et qu'elle soit parée comme une épousée doit l'être, car je me veux disposer à l'épouser sur l'heure.


AURÉLIEN. - Sire, nous ferons sans délai ce qu'il vous plaît d'ordonner. Dame, venez-vous-en dans votre chambre, où nous vous mènerons, et puis nous reviendrons ici.


Clotilde les suit accompagnée d'Isabelle, sa suivante, qui lui dit :


LA DAMOISELLE. - Passez devant, madame ; j'irai après, je vous aiderai à vous habiller, comme de juste.


CL0VIS. - Seigneurs, j'ai occasion de dire que mon bien et mon honneur s'accroît en même temps que mon cœur est gonflé de joie, puisque je vais avoir cette pucelle, qui m'a semblé merveilleusement belle de visage.


TROISIÈME CHEVALIER. - Depuis que noua entreprîmes ce voyage pour vous l'amener, sire, je ne me souviens pas d'avoir vu en elle contenance, parole ni manière, je vous le jure, outre que celles qui conviennent à une bonne, sage et très honnête dame.

AURÉLIEN. - Mon cher seigneur, ma dame est prête, je vous puis l'annoncer, il vous faut songer à l'épouser, car il en est temps.


CLOVIS. - Puisqu'elle est prête, je suis prêt aussi. Allons, sans nous plus tenir ici. Faites venir les ménestrels pour marcher devant nous.


Ici le roi quitte sa place et, après un petit intervalle, il revient dans la salle, et Aurélien amène l'épousée. Il faut supposer que le mariage à eu lieu.

AURELIEN. - Sire, voici votre moitié que je vous amène et que je vous laisse. Elle est désormais votre femme. Nul autre n'y peut réclamer de droit. Maintenant pensez à vous entr'aimer, car c'est un fait très noble et sage de vivre en paix en Mariage et en amour.


CLOVIS. - Sans faire ici plus long séjour, je veux qu'entre vous trois alliez au Louvre, et là me prépariez ce qu'il faut pour faire m à fête ! c'est un lieu bon et honnête, et qui est tout près.


TROISIÈME CHEVALIER. - Cher sire, nous allons tout disposer.


CLOTILDE. - Mon cher seigneur, désormais je me tiens pour votre servante, Je vous prie d'abord, cher sire, de m'accorder un don et d'écouter ma demande afin de me satisfaire de bonne grâce, avant que je me soumette à votre désir, comme femme vis-à-vis de son mari doit faire.


CI.OVIS. - Demandez, Clotilde : sans discuter je le ferai.


CLOTILDE. - Je vous dirai donc ma requête. De votre or je n'ai point souci; mais premièrement je vous demande que vous vouliez croire en Dieu le Père, qui sans fin règne au ciel dans sa gloire, qui vous créa et qui fit tout ce qui existe et ne fit jamais rien de mal. Après, sire, ne négligez pas. Jésus Christ ; mais confessez-le pour vrai Dieu, fils de Dieu le Père, qui voulut naître ici-bas d'une Vierge, qui y fut envoyé du Père pour nous ramener à Dieu et qui nous a, c'est vérité, rachetés par sa sainte mort. En outre, je vous requiers de croire aussi au Saint Esprit, qui tous les jours éclaire les justes et les confirme en la grâce divine; et que ces trois personnes, Père, Fils et Saint-Esprit, soyez-en certain, sont une seule majesté, une essence, une déité, une éternelle puissance. Tenez cela pour ferme croyance et délaissez vos idoles et cessez de les adorer, car ce sont vanités et apparences. Faites refaire et rétablir les saintes églises que vous avez brûlées, et soyez de Dieu fils et membre. Après, je vous prie
encore qu'il vous souvienne de demander ma part de la succession, que je dois avoir de mon père et de ma mère, que mon oncle a fait mourir de mort cruelle, car il a occis mon père et noyé ma mère pour avoir le royaume de Bourgogne, je vous dis vrai. Et Dieu veuille que je voie l'heure où je serai vengée de leur mort, et brièvement.


CLOVIS. - Clotilde, entendez ce que je veux vous dire : vous me parliez ici d'une chose très difficile à faire, sachez-le, en me priant d'adorer votre dieu comme chrétien. Je n'en ferai rien. Mais je ferai l'autre chose que vous me demandez : de Gondebaut je vous remercie brièvement, et je vous l'amènerai au point qu'il vous demande merci, qu'il veuille ou non.


CLOTILDE. - Auparavant, ce que je vous conseille, ce que je vous demande, cher sire, c'est de renoncer à vos idoles et de vouloir croire et aimer Dieu, qui fit le ciel, l'air, la terre et la mer, les femmes et les hommes.

CLOVIS. - Je ne tiens pas plus compte de ce que vous dites que de deux pommes.


DEUXIÈME CHEVALIER. - Vous devez bien nous tenir pour quittes, cher sire, des préparatifs que vous nous avez ordonnés, nous les avons faits tels que jamais je n'en vis faire de pareils.


CLOVIS. - Laissons cela pour l'instant... Il faut que je m'occupe d'une autre affaire. Je veux que tous trois vous alliez vers Gondebaut et que vous lui disiez de ma part : « Sire, au nom du roi Clovis, de qui nous tenons terres et fiefs, nous venons ici, et nous vous dirons pourquoi, sans plus attendre : nous venons demander et réclamer le trésor de Clotilde, que vous avez, et qu'elle doit avoir, vous le savez, de la succession de son père et de celle de sa mère, comme il est juste.


TROISIÈME CHEVALIER. - Sire, sans plus de retard, nous exécuterons vos ordres.


Les chevaliers partent sous la conduite du fidèle Aurélien etarrivent à la cour de Gondebaut.


En Bourgogne.


AURÉLIEN, se présentant à Gondebaut. - Sire, que Mahon, qui fait accroître les biens de la terre, vous veuille tenir en honneur et en joie !


GONDEBAUT. - Qu'il te protège aussi de même. Que viens-tu chercher ici ?


AURÉLIEN. - Sire, nous venons vous prier de nous délivrer la portion des trésors qui appartiennent à Clotilde et viennent de la succession tant de son père comme de sa mère. Vous devez avoir volonté de faire droit notre demande.

GONDEBAUT. - Comment ! Clovis pense donc avoir ainsi mon royaume et mon bien ? Nenni, tant que je serai vivant. Ne sais-lu pas., Aurélien, que je t'ai défendu depuis un an de revenir en cette terre pour demander ou chercher ce qui m'appartient ? Je te jure, si tu ne l'en retournes et ne t'éloignes bientôt de devant moi, que je t'occirai. Vide d'ici, va-t'en !


AURÉLIEN. - Roi, je vous dis dès l'année dernière, que, tant que vivra mon cher seigneur Clovis le roi, pour qui je m'entremets, je ne crains rien de vos menaces, car je fais mon devoir, j'en suis certain. Par moi le roi vous demande le bien de sa femme, et vous prie de vouloir bien lui dire quand il l'aura. Indiquez un lieu, et il viendra où vous direz.


PREMIER CONSEILLER. - Sire, s'il vous plaît, vous ferez ce que je vous dirai.


GONDEBAUT. - Dites donc et je vous écouterai.


PREMIER CONSEILLER. - Aurélien, retirez-vous un peu en arrière, sire.


AURÉLIEN. - Sire, très volontiers. Allez ! Parlez ensemble.


PREMIER CONSEILLER. - Cher sire, il me semble que Clovis vous réclame une chose raisonnable. Si, pour sa femme, il demande ce qu'elle peut avoir de trésor, qu'il lui soit remis par son légat assez de votre or et de votre argent pour que vous soyez bons amis et que Clovis ne vienne pas en ce pays pour nous faire la guerre, car les Français sont terribles fortement et se conduisent toujours, vacillement, vous le savez.


DEUXIÈME CONSEILLER. - Certes, sire, vous, ayez dit vrai. Ils sont habiles et forts à la guerre, et ont gagné par leur courage mainte ville et maint bon château, en sorte que mieux que vous ayez à faire, c'est de lui envoyer ce qui lui appartient. Il convient de le satisfaire.


GONDEBAUT. - En avant donc ! Cela sera fait comme vous me le conseillez. Veuillez faire ici venir Aurélien.


DEUXIÈME CONSEILLER. - Sur l'heure, sans plus de plaidoyer, il sera ici, soyez-en sûr. Ami Aurélien, venez auprès de Gondebaut.


AURÉLIEN.
Allons ! Je ferai de bon cœur tout ce que vous direz.


DEUXIÈME CONSEILLER. - Sire, vous ferez d'Aurélien votre ami. Je vous l'amène et je suis d'avis que vous lui livriez comme à un messager de Clovis une partie de votre avoir : vous n'agirez que sagement, afin que Clovis se tienne content et qu'il ne nous vienne pas faire la guerre : je vous le conseille.


GONDEBAUT. - J'y consens, puisque c'est votre avis. Sur l'heure, ami, vous serez satisfait. Tenez, premièrement je vous livre ces draps d'or et cette vaisselle d'argent, qui est bonne et belle. Après, sans délai vous ferez emporter cet or monnayé, ces pots aussi, ces coupes d'or. Il n'y a plus rien en mon trésor, tant vous en emportez de richesses, car à votre seigneur vous livrerez plus de joyaux et de biens qu'il n'en a gagné ni amassé, je puis vous le dire.


AURÉLIEN. - Clovis est comme votre fils, sire : vos biens seront donc en commun ; ainsi penseront par le pays les gens raisonnables...


Ils emportent les trésors à la cour de Clovis.



La naissance d'un fils.



LA DAMOISELLE, à un écuyer. - Robert, il vous faut entremettre (je vous trouve ici bien à point) d'aller trouver le roi sans tarder : annoncez-lui que ma dame a eu un fils qu'elle a fait baptiser comme chrétien et qui est appelé Nigomire. Elle le prie qu'il ne s'en courroucer point.


ROBERT, écuyer. - M'amie, de cette nouvelle je ferai volontiers le message. J'y vais. (Il va trouver le roi.) Que Mahon vous tienne en honneur, sire, vous et votre baronnage ! De la part de ma dame je vous viens dire qu'elle se recommande moult à vous et qu'elle a eu un fils, qu'à son Dieu elle a voulu donner pour en faire un chrétien. Il est nommé, je puis vous le dire, en son baptême, Nigomire.


CLOVIS. - Je ne puis y contredire, puisque c'est fait. Ty iras vers elle et de ma part tu lui diras qu'elle cherche pour l'enfant telle garde qui te nourrisse et le garde bien soigneusement.


L'ÉCUVER. - Sire, je vais mettre à fin votre commandement.


Les chevaliers apportent devant Clovis les trésors donnés par Gondebaut.



TROISIÈME PARTIE

 

A la cour de Clovis. — Un an après.



CLOVIS - Beaux seigneurs, écoutez ; j'apprends que la ville, le duché et la commune de Melun veulent à moi être rebelles. Aussi je veux tous vous y envoyer pensez de vous mettre tôt en route pour les surprendre.


CLOTILDE. - Mon cher seigneur, je ne sais si vous le savez notre héritier que j'aimais du fond du cœur, Nigomire, est mort et mis en terre.


CLOVIS. - Cette nouvelle me serre le cœur et j'en ai une douleur amère. Vous avez été trop pressée, mère, de le faire baptiser, et j'estime que si vous l'aviez consacré à mes dieux il serait encore en vie. Mais parce qu'il a reçu le baptême, il n'a pas pu vivre plus longtemps : j'en suis très peiné.


CLOTILDE. - Cher sire, je rends au contraire grâce à Dieu de ce fait, puisqu'il m'a honorée, moi, sa petite servante, au point de prendre et de recevoir dans sa gloire mon premier héritier.


Clovis n'insiste pas. Il doit s'occuper des préparatifs .le l'expédition contre Melun.


À Aurélien :


CLOVIS. - Allez, montrez-leur ce que nous valons et quelles gens nous sommes à la guerre ; et s'ils veulent demander la paix et devenir nos bons sujets, terminez la guerre par contrat et ordonnance stipulant qu'ils seront tous sous ma puissance désormais.


DEUXIÈME CHEVALIER. - Bien, cher sire, allons-nous-en maintenant sans plus débattre.


CLOVIS. - Avant que je m'en aille combattre, dame, à Villejuif j'irai, et là j'ordonnerai mes gens et de là je m'en irai à l'armée. Que je reviendrai, tôt ou tard, qu'il vous suffise de le savoir.


CLOTILDE. - Il en sera ainsi, mon doux seigneur, quoique votre absence m'ennuie. Je prie Dieu qu'il vous conduise et vous ramène par sa bonté, comme je le désire, sain et sauf de l'âme et du corps.


Hors du palais.


CLOVIS. - Mahon, mon dieu, me soit miséricordieux ! Beaux seigneurs, en avant. Pour m'ouvrir la route allez devant moi...


PREMIER SERGENT. - Videz d'ici, faites-nous place, que je ne sois pas obligé de vous frapper.


DEUXIÈME SERGENT. - Allons ! en avant ! vous, retirez-vous en arrière, Laissez-nous l'espace pour marcher, ou je vous donnerai de ma masse, certainement.


Dans la chambre de Clotilde.


LA DAMOISELLE. - Chère dame, je vous vois trop souvent changer de couleur, et cela m'inquiète. Vous avez quelque mal ou douleur, à ce que je pense.


CLOTILDE. - Isabelle, m'amie, je sens par les reins telle angoisse, qu'il m'est avis qu'on me les froisse et qu'os me fend le dos... Ainsi m'advint avant la naissance de mon premier enfant.


En effet Clotilde est sur le point de mettre au monde un enfant. La damoiselle va en hâte chercher la sage-femme, et la reine se recommande à la Vierge Marie.



CLOTILDE, à la sage-femme. - M'amie, dites-moi là vérité, est-ce un fils ou une fille, que je viens de mettre au monde ?


LA SAGE-FEMME. - Sûr soit votre cœur et convaincu que c'est un fils, ma chère dame. Dieu lui accordé de corps et d'âme la santé. !


CLOTILDE, après avoir considéré l'enfant qu'on lui a présenté. - Je vais me reposer et vous emporterez ce fils et vous le ferez baptiser, je le veux.


La damoiselle et la sage-femme (après avoir bien installé la reine dans son lit) emportent l'enfant à l'église, et après qu'il a reçu le baptême (derrière la scène), elles le couchent bien soigneusement auprès de sa mère.

LA SAGE-FEMME. - Chère dame, votre fils le chrétien dort bien couvert auprès de vous, et il a été nommé, je vous le dis bien, Clodomire.


CLOTHIDE. - Que noire Seigneur soit loué de ce qu'il a reçu le baptême, mais que Dieu le tienne en santé ! C'est tout ce que je désire.


LA DAMOISELLE. - Madame, que celui qui le fit le laisse bien vivre !


Le retour de Clovis.


CLOVIS. - Puisque je suis rentré en mon palais, allons ! Il faut que je sache par l'un de vous en quel état est |a reine.


Les sergents vont prévenir Clotilde, qui répond qu'elle est prête à recevoir le roi.



CLOVIS. - Dame, je viens vous voir ici pour savoir comment vos couches se sont passées et quel enfant vous avez eu, et s'il est taillé et dispos pour vivre.


CLOTILDE. - Cher sire, je ne sais, par mon âme ; mais je sais bien que j'ai eu un fils, qui a été baptisé et on lui a donné lé nom de Clodomire.


CLOVIS. - Que je le voie par amour, chère dame, sans en dire davantage.


CLOTILDE. - Volontiers, cher sire, par mon âme. Isabelle ? allez vite le chercher et apportez-le ici emmailloté.


LA DAMOISELLE. - J'y vais, madame, en vérité. Le voici, monseigneur, voyez. Par ma foi, si vous le regardez bien, vous verrez qu'il vous ressemble.


CLOVIS, - Je vous, dirai ce que j'en pense. Je le trouve fort malade. Et cela ne peut être autrement, puisqu'il a reçu le baptême au nom de votre Dieu. J'ai dans la pensée qu'il s'en va tout droit à la mort, comme son frère, sans remède. Je vous dis vrai.


CLOTILDE. - Il peut bien avoir quelque maladie, mais s'il plaît à Dieu, il ne mourra pas. Je suis sûre qu'il guérira, sire, j'ai pleine confiance.


CLOVIS. - Puisqu'il est mis en la puissance de votre dieu tout d'abord par votre baptême, il ne peut l'expier que par la mort, comme fit son frère. Gardez-le bien. Je vous le laisse. En avant, seigneurs, partons vite d'ici à grands pas.


CLOTILDE, seule. - Ah ! Mère de Dieu, qui avez mérité de porter le fruit de vie et d'enfanter homme et Dieu, étant vierge, à cet enfant, donnez la santé par votre bénignité, de façon que je puisse trouver le père en volonté telle que je lui fasse embrasser la foi catholique et qu'il devienne un vrai chrétien. (Après avoir confié son enfant à la demoiselle, elle va prier à l'église.) Sire Dieu, oui, pour remplir les sièges de ton paradis desquels trébuchèrent jadis les mauvais anges par suite de leur orgueil, as voulu former l'homme tel, qu'il put un jour posséder ces sièges et jouir de ta gloire, toi, qui es le seigneur, la vie et la voie, à mon enfant rends la santé, si bien qu'il soit sans maladie et que le père ne puisse plus dire que
c'est parce qu'il est chrétien que vous ne pouvez pas lui donner la vie comme la mort et qu'ainsi son sort tourne mal. Ah ! Dame des cieux ! En cette circonstance veuillez être mon avocat et entendre ma pétition, et moi je suis celle qui veux me consacrer à dire vos heures, avant de partir d'ici, que cela me réussisse ou non, dévotement.


Dans le paradis.


DIEU. - Mère, et vous, Jésus, allons-nous-en ; descendez sans rester plus longtemps ici. Je vois là-bas Clotilde se mettre en telle lamentation et en telle contrition qu'elle mouille de larmes sa face. Il convient que je lui accorde la grâce qu'elle demande. Allons, vous tous !


NOTRE-DAME. - Mon Dieu, mon père, mon doux fils, nous ferons votre volonté. Allons, anges, apprêtez-vous à descendre bientôt.


GABRIEL. - Dame, qui pûtes comprendre ce que ne peuvent pas les cieux, chacun de nous est dans l'intention de faire votre volonté.


MICHEL. - En cela nous ne pouvons mal agir. Jean, joyeuse- ment et par plaisir, avançons-nous en chantant tous les trois. Je le conseille.


SAINT JEAN. - Cela me plaît très bien et je le veux aussi. Allons ! commençons, mes doux amis.

Rondel chanté avec accompagnement de musique.

Reine des cieux, qui à vous
Servir met son intention.
Moult fait bonne opération :
Il acquiert vertus et de tous
Ses vices a rémission,
Reine des cieux, qui à vous
Servir met son intention ;
Il trouve en la lin Dieu si doux
Que de gloire a réfection
Où est toute perfection.

 

DIEU. - Mon intention n'est pas, mère, d'aller tout droit à Clotilde, mais nous irons au lieu où son fils est couché. (Aux anges.) Tenez-vous ici en ce chemin. Il suffit que nous le voyions, moi et Marie.


NOTRE-DAME. - Je ne contredis ni modifie votre volonté, cher fils. Opérez selon votre pouvoir, comme il vous plaira.


Auprès du lit de l'enfant.


DIEU. - De ma présence il te viendra tant de bien, fils, que tu es guéri et que ton mal est tout à fait dissipé par l'humble et dévote prière de Clotilde, ta chère mère, qui en cela a fait si bien son devoir qu'elle a bien mérité ce don : c'est pourquoi il lui est octroyé. Allons, mère, faites aller devant nous ces trois.


NOTRE-DAME. - Mon Dieu, volontiers. En avant donc ! Anges, allez comme vous êtes venus, et en allant, achevez le chant que vous avez entrepris.


GABRIEL. - Excellente Vierge de paix, puisqu'il vous plaît, nous ferons ainsi !


Ils retournent au Paradis.


LA DAMOISELLE. - Sans demeurer ici plus longtemps, il me faut aller auprès de ma dame ; mais auparavant je verrai si son fils Clodomire a besoin de quelque chose. Eh ! voyez ! Comme il se prend à rire ! Dieu merci, il est en bon état. Je vais le dire à sa mère, sans plus tarder.


Dans la chambre de la reine.


CLOTILDE.. - Isabelle, vous avez mis bien longtemps à venir.


LA DAMOISELLE. - Dame, ce qui m'a retenue en la chambre un peu longuement, c'est votre fils, en vérité, qui m'a tant souri, je vous l'assure, que vous ne le pourriez croire, et d'un rire joyeux !


CLOTILDE. - Donc il n'est plus malade. Isabelle, sans plus rester assises ici, allons-nous-en. Je veux le voir avant de rien faire.


LA DAMOISELLE. - Soit. (Elle accompagne la reine auprès de l'enfant.) Voyez, ma dame, comme il ouvre la bouche en riant. Il n'a aucun mal qui le gêne ! J'en suis sûre, dame.


CLOTILDE. - Louée soit Notre-Dame ! Au moins quand le roi viendra ici et le trouvera en bonne santé, il n'aura pas de raison de dire qu'il soit en danger de mourir parce qu’il a reçu le baptême.


Auprès du trône de Clovis.


AURÉLIEN. - Mon cher seigneur, honneur et joie vous veuillent nos dieux envoyer, et vous tenir en puissance noble et hautaine !

 

CLOVIS. - Vraiment, je suis certain que vous ne me voulez que du bien. Soyez tous les bienvenus et avancez-vous près de moi.


DEUXIÈME CHEVALIER. - Mon cher seigneur, quand je vous regarde, certainement j'ai le cœur joyeux de ce que je vous vois vous-même si gai et éveillé.


CLOVIS. - Que me direz-vous de nouveau pour l'instant ? Qu'avez-vous fait ? Vous m'en devez taire le rapport.


DEUXIÈME CHEVALIER. - Vous pouvez être aussi fier que si vous étiez le roi Darius. Car jusqu'à la rivière d'Aire, sire, votre royaume s'étend, et tout le plat pays tend à être sous votre autorité.


AURÉLIEN. - Sire, j'ai fait mettre des gens d'armes pour garder les forts, ainsi que du peuple, et vous avez le château de Melun-sur-Seine, que j'estime et prise fort et que je viens de prendre et conquérir pour vous.


CLOVIS. - Aurélien, en vérité, je vois que partout où vous pourriez, vous voudriez mon bien et mon honneur ; aussi ai-je plus de confiance en vous, sachez-le sans en douter, qu'un homme qui hante ma cour, et j'ai pour vous, en somme, plus d'amitié que je ne puis le dire.

 


QUATRIÈME PARTIE


A la cour de Clovis.



UN PRÉVÔT. - Cher sire, entendez sans délai les nouvelles que je veux vous dire. Les Saxons et les Allemands sont venus en votre pays. A cause d'eux nous sommes tout bouleversés, car ils sont en grande multitude, et ils ne mettent chaque jour tout leur zèle qu'à nous faire la guerre, prendre les gens et piller la terre. Et, si vous ne nous secourez bientôt, vous verrez que vous perdrez pays et gens !


CLOVIS. - Seigneurs, il nous faut être diligents de secourir ma terre : il nous faut partir d'ici bien vite. (Au prévôt.) Mon ami, devant tu iras et partout tu commanderas, qu'avant qu'ils soient entrés dans les villes, on les combatte bien et fortement.


LE PRÉVÔT. - Sire, votre commandement sera exécuté sur l'heure.


CLOVIS. - Allons-nous-en sans plus demeurer ici.


DEUXIÈME CHEVALIER. - Sire, si bon vous semble ainsi, nous irons d'abord où est ma dame, car nous ne savons si nous la reverrons jamais.


CLOVIS. - Dirigeons vers elle nos pas, cela me plaît bien.


AURÉLIEN. - Allons donc par ici, c'est ce que nous avons de mieux à faire.

 

Chez Clotilde.


CLOVIS. - Or çà, dame, comment va ce fils ? Dites-le-nous.



CLOTILDE. - Mon cher seigneur, soyez le bienvenu ; il est est bon état, Dieu merci. Dites, où allez-vous ainsi que tous ces gens ?


CLOVIS. - Nous allons combattre contre les Allemands, qui viennent détruire et saccager mon pays.


CLOTILDE. - Ce n'est pas le moment de vous conseiller ; mais certes, si vous m'aviez cru, comme moi vous serin chrétien et auriez reçu le baptême et auriez été oint d'huile et du saint chrême depuis longtemps.


CLOVIS. - Souffrez que je ne vous réponde point à ce sujet. Je ne vous en veux point, vous perdez en vain vos paroles... Je vous recommande à Mahon et je m'en vais, sans rester ici plus longtemps.


CLOTILDE. - Cher sire, Dieu vous veuille mettre en vouloir d'embrasser sa foi, pour que nous soyons, vous et moi, dans la même croyance...


DEUXIÈME CHEVALIER. - Hé ! Dieu, en qui vous avez confiance, chère dame, puisse-t-il accomplir à son gré votre désir !


CLOTILDE. - Puissiez-vous là où vous allez, mes amis, faire telle besogne que chacun de vous y soit mis en honneur, de corps et d'âme.

 

DEUXIÈME CHEVALIER. - Je vous recommande à Mahon, ma dame. Qu'il veuille vous avoir toujours en sa garde !


CLOTILDE. - De toute peine, qui vous soit désagréable, beaux seigneurs, que Dieu vous défende, et qu'il fasse toujours prospérer vos affaires de mieux en mieux.

Au camp des Allemands.


LE ROI DES ALLEMANDS, à ses chevaliers. - Seigneurs, nous restons trop oisifs, qu'est-ce que cela ? Puisque nous sommes tant de gens, il nous convient de courir sus aux hommes de ce pays et de les piller, de massacrer femmes et enfants, en les frappant de l'épée, sans épargner personne.


LE PREMIER CHEVALIER ALLEMAND. - Cher sire, je consens très bien à cela ; mais maintenant avisons tout de suite où nous ferons noire retraite, c'est nécessaire.



CLOVIS, dans une autre partie du théâtre. - Seigneurs, à ce que je vois et sens, il nous convient de livrer bataille sans tarder. Autrefois nous avons combattu, sans être ni tués ni pris ; aujourd'hui, pour acquérir le prix de notre valeur, nous devons marcher contre nos ennemis et venger notre pays, qu'ils assaillent à tort.


AURÉLIEN. - Sire, je pense, puisqu'ils hésitent à nous attaquer, qu'ils seront déboutés de leur espoir. Ils pourront bien nous donner du fil à retordre, mais, vous verrez qu'en fin de compte ils seront déconfits. Envoyez savoir, vous ferez bien, où vous les trouverez, afin que nous ne puissions manquer de les assaillir en sursaut, eux pas.


CLOVIS. - C'est bien dit. Huchon, doux ami, sachez maintenant si Mahon nous protège ou vous aurez des nouvelles de ces Allemands.


L'ÉCUYER AURÉLIEN. - Cher sire, je veux obéir à vos ordres, aussi j'y vais moi-même et vous recommande à Mahon !

Il revient aussitôt.


Seigneurs, il n'y a plus de doute, je reviens. Je les ai trouvés, ils viennent droit ici sans délai pour vous combattre et assaillir...


CLOVIS. - Allons vite ! rangeons-nous sans attendre, et puis nous irons au-devant d'eux. Je pense les serrer de si près et si court qu'ils n'échapperont pas à la mort ou se rendront à ma merci.


DEUXIÈME CHEVALIER. - Cher sire, je les vois venir ici : rangeons-nous tellement serrés qu'ils ne puissent nullement pénétrer entre nous.


LE TROISIÈME CHEVALIER ALLEMAND, aux Français. - Rendez-vous, rendez-vous sans combattre ! C'est votre meilleur parti, en vérité. Car de gens de si grande quantité nous sommes, qu'on ne peut nous dénombrer, et que vous ne pourrez jamais vous débarrasser de nous.


LE TROISIÈME CHEVALIER DE CLOVIS. - Non ! non ! Aujourd'hui vous mourrez tous. Frappons sur eux sans épargner. Ils sont venus ici revendiquer ce qu'ils n'emporteront pas ! Néanmoins ils y laisseront leur vie.
 

LE ROI ALLEMAND. - De t'occire j'ai grand merci et je le ferai sans tarder. Tiens ! va, je te ferai changer ce regard furieux ! (Il le frappe.)

La bataille s'engage el tourne mal pour les Français.


AURÉLIEN, à Clovis. - Mon cher seigneur, je vous dirai que si nous comptons sur nos forces, je ne vois pas comment nous en tirer. Ces gens ne sont lassés en rien, et sont bien plus nombreux que nous. Je ne vois pas que dans cette bataille force humaine puisse nous sauver et nous empêcher d'être vaincus. Je vous conseille d'avoir recours d'humble cœur à la vertu divine, à celle du Dieu que la reine, ma dame, vous prêche si souvent. Que de ces gens il vous débarrasse ! Et promettez-lui en échange que, s'il vous tire de ce pas à honneur, vous croirez en lui.


CLOVIS. - Et vous, que ferez-vous ? Aurélien, dites-le-moi.


AURÉLIEN. - Je ferai comme vous, ma foi ! Si je reste vivant !


CLOVIS. - Jésus-Christ, fils du Dieu vivant, qui accordes consolation aux cœurs éprouvés et à ceux qui mettent en toi leur espérance et leur confiance, les secoures et les aides, à ce que dit ma femme Clotilde, Sire, humblement je te requiers, en vérité, de vouloir me donner la victoire sur mes ennemis qui sont ici. Et si je vois qu'il en est ainsi, je te promets de me faire baptiser et de croire en toi. J'ai bien invoqué mes dieux; mais je ne vois pas qu'il m'en soit rien arrivé de mieux, au contraire, ils se sont éloignés de moi. C'est pourquoi, en voyant cela, je dis que ce sont des dieux de nulle puissance, en qui nul ne peut avoir foi, puisqu'ils n'aident ni ne secourent dans le besoin ceux qui les adorent. A cause de cela, j'ai désir de croire en toi. Mais qu'il te soit, Sire, à plaisir de me livrer mes adversaires et de m'en débarrasser à mon honneur et pour toujours.


DEUXIÈME CHEVALIER DE CLOVIS. - En avant, seigneurs, en avant ! pensons à combattre fort ! Or sus !


Les Allemands plient et reculent.


Je vois que nous avons le dessus, nous avons la victoire ! Car je vois là leur roi par terre tout mort gisant !


QUATRIÈME CHEVALIER ALLEMAND. - Je ne sais plus que dire. Dans cette guerre nous avons la défaite. Hélas ! Que nous serons hués ! Vraiment, je m'enfuis.


CLOVIS. - En avant, beaux seigneurs, aujourd'hui pensez tous à si bien travailler que nous puissions recouvrer l'honneur, et moi et vous.


PREMIER CHEVALIER ALLEMAND, à Clovis. - Sans plus combattre, écoutez-nous en parlementaire, sire roi, comme doux et propice. Nous vous supplions de ne plus faire périr par la guerre nul de nos hommes. Nous nous rendons à vous, nous sommes entièrement vôtres, cher sire.


CLOVIS. - Holà ! Seigneurs. Je mets en ma main ces gens-là. Ne vous acharnez plus contre eux ni ne les combattez. Puisqu'ils se rendent à ma volonté et me demandent paix et merci, je veux qu'ils les aient.


DEUXIÈME CHEVALIER DE CLOVIS. - Aussi ils les auront, qu'ils ne soient pas en émoi, puisque vous le voulez.


CLOVIS. - Seigneurs, maintenant allez-vous-en. Par mon conseil j'ordonnerai quel tribut je prendrai sur vous comme sujets.


DEUXIÈME CHEVALIER ALLEMAND. - Tel qu'il sera fixé, sire, désormais chaque année nous vous le payerons : nous n'y contredirons en rien, en vérité.


AURÉLIEN. - Allez ! le roi vous fera savoir ce qu'il voudra que vous fassiez pour lui. Sire, il est bon que vous laissiez ce pays et que nous retournions en France : nous y serons bien mieux qu'ici.


DEUXIÈME CHEVALIER DE CLOVIS. - C'est vrai, c'est notre avis aussi. Avec nos compatriotes nous serons ; c'est pourquoi nous vivrons les cœurs souvent plus réjouis !


CLOVIS. - Donc, puisque vous le conseillez, je veux qu'il soit fait comme vous avez dit : allons-nous-en vite sans contredit par cette route.


LE TROISIÈME CHEVALIER. - Allons. Certes, dès qu'elle vous verra, la reine aura grande joie, quand elle ouïra conter la victoire que vous avez remportée.


CLOVIS. - N'en doutez pas, cela lui sera bien rapporté ; mais il faut que j'aille la trouver.


Au palais de Clovis.


CLOVIS. - Dame reine, que Dieu vous tienne en son amitié.


CLOTILDE. - Cher sire, pour l'amour de Dieu, qui vous a appris ce salut ? Et où avez-vous pris l'idée de me le dire ?


CLOVIS. - C'est Jésus-Christ, notre seigneur, m'amie, que je tiens pour le vrai Dieu. Savez-vous pourquoi ? Je viens d'un pays où j'ai fait des guerres si dures contre Allemands et Saxons que c'est merveille à raconter. A l'heure où nous étions rangés pour combattre, j'ai vu, sans pouvoir en douter, qu'ils étaient .plus de quatre hommes contre un de notre côté. Alors je ne savais que faire, toutefois je ne reculai pas. Je priai dévotement mes dieux pour être secouru par eux, mais bien que j'aie eu recours à eux, ils ne me firent ni chaud ni froid. Quand je me vis à ce moment critique et que les ennemis tuaient mes gens, Aurélien, le preux, le gentil, vint à moi et il me dit : « Requérez l'aide, cher sire, de Jésus-Christ pour vous secourir. » Dame, je le fis, et sur l'heure, de mes ennemis, les uns s'enfuirent, et les autres se rendirent. Ainsi je les conquis d'un coup. Et puisque Jésus ne m'a pas oublié, pas ne l'oublierai. Pour son amour je serai baptisé, et bientôt, dame.


CLOTILDE. - Par ce point vous sauverez vôtre âme, cher sire, et aurez Dieu pour ami. Souffrez que je mande Rémi, qui de Reims est dit archevêque ; il vous enseignera, pourvu qu'il vous plaise de l'écouter, comment vous ne devez point douter, mais devez être sûr et confiant que Dieu le père et Dieu le fils et Dieu le Saint-Esprit aussi sont trois personnes, mais que dans cette haute trinité, il n'y a qu'une seule divinité. M'entendez-vous ?


CLOVIS. - Dame, pour Dieu, vite mandez-le que je le voie.


CLOTILDE. - Qui voulez-vous que j'y envoie, mon cher seigneur ?


CLOVIS. - Envoyez-y ce chevalier, sans nul délai.


CLOTILDE. - Volontiers. (Au premier chevalier.) Sire, je vous prie que vous alliez me quérir l'archevêque de Reims, et qu'il vienne sans tarder vers moi ici.


PREMIER CHEVALIER. - Volontiers, dame, par ma foi ! J'y vais. Sachez que je ne m'arrêterai pas avant de vous l'avoir ici amené.


Il part.


À Reims.

.
PREMIER CHEVALIER. - Je le vois là. C'est bien à point. Sire, ne demeurez pas ici. Je viens de la part de la reine, qui vous mande, par amour sincère, de venir vers elle.


L'ARCHEVÊQUE. - Sire, ne vous arrêtez pas. Je vais toutes choses laisser pour vous suivre. Là où j'irai, vous deux, venez.


Il s'adresse à deux clercs.


LE PREMIER CLERC. - Sire, pour vérité nous ferons ce que vous voulez.


SECOND CLERC. - Nous allons donc avec vous dès maintenant.


À la cour de Clovis.


PREMIER CHEVALIER. - Voici l'archevêque qui vient, chère dame. Je vous l'amène, il n'a pas attendu à demain pour venir.


CLOTILDE. - Qu'il soit donc le très bienvenu. Allons, archevêque Rémi, asseyez-vous ici à côté de moi, sans plus débattre.


L'ARCHEVÊQUE. - De m'asseoir en un si haut siège, dame, ne me requérez pas. Il doit me suffire de m'asseoir lei en bas.


CLOTILDE. - Par sainte Marie ! vous vous assoirez ici, sire. Vous avez dignité comme moi.


Il prend place.


Voici pourquoi je vous ai mandé. Monseigneur le roi a désir d'être baptisé et de devenir chrétien ; mais il ne sait pas des articles quels sont les passages qu'il convient de croire et d'observer : c'est pourquoi je vous prie de vous souvenir, quand vous serez entré auprès de lui, de lui montrer la droite voie de son salut.


L'ARCHEVÊQUE. - Certes, dame, j'aurai grande joie s'il lui plaît de m'écouter : et je vous le dis bien, n'en doutez pas, je ne l'abandonnerai pas. Mais de ce pas,je m'en vais vers lui pour lui dire ce que je pense, puisque vous m'avez dit son désir et son intention.


CLOTILDE. - Sire, vous êtes homme sage, montrez-lui de telle manière qu'il ne retourne pas à ses faux dieux.


L'ARCHEVÊQUE. - Dame, adieu. Je ferai pour le mieux, foi que je dois à saint Pierre !


Il va trouver Clovis.


Jésus Christ, fils de Dieu le Père, qui pour nous voulut souffrir en croix l'angoisse do l,a mort, puisse-t-il vous faire croître en honneurs roi puissant.

CLOVIS, - Je prends grand plaisir en ce salut, que vous m'avez fait au nom de Jésus, Sire, car il m'a beaucoup aidé ; et jamais je ne l'oublierai. Une autre fois je vous dirai plus à loisir pourquoi.


L'ARCHEVÊQUE. - Serait-ce votre bon plaisir que je vous parlasse un peu, sire, et voudriez-vous m'écouter avant que je ne m'en allasse ?


CLOVIS. - Oui, sire, parlez sans hésiter. Je vous écouterai volontiers, et après je vous parlerai d'une autre chose.


L'ARCHEVÊQUE. - Sire, voici ce que je vous annonce. Il est un Dieu sans fin, qui jamais n'eut de commencement ; de lui est venu un fils, de ces deux un Saint-Esprit, et ces trois, je vous dis vrai, ne sont qu'un Dieu et qu'une volonté. Par ces trois fut créé le monde et tout ce qui abonde dans les cieux. Vrai est que de terre fut fait l'homme, qui par son grave méfait se mit en si lourd esclavage qu'il se priva, du paradis. Il s'endetta d'une dette telle que lui-même ne put non plus s'en acquitter après lui, jusqu'au jour où en la Vierge vint le Fils de Dieu, qui fut fait homme et qui, par sa sainte passion, fit la rédemption de l'homme, quand il offrit son corps à la mort. Ah ! c'est le doux miséricordieux, qui jamais ne manque dans le besoin, mais qui secourt de près et de loin ceux qui l'aiment ou non, pourvu que de bon cœur ils le réclament. Il n'y a pas à en douter.


CLOVIS. - Père saint, volontiers je t'écoute et je crois pour vrai ce que tu dis. Seigneurs, donnez votre assentiment aux paroles que ce saint homme ici nous a dites. Prenons tous le baptême réellement et que chacun de nous soit bon chrétien. Nous ne pouvons pas prendre une plus noble résolution.


PREMIER CHEVALIER. - Cher sire, veuillez m'entendre. Pour nous tous je fais cette déclaration : Nous sommes tous d'accord pour abandonner les dieux mortels et nous adresser au vrai Dieu que prêche Rémi comme Dieu du ciel, et ainsi nous le croyons être tel désormais.


Au baptistère.


CLOVIS. - Rémi, sans plus attendre maintenant, prenez soin de me baptiser et donnez-moi ouvertement la qualité de chrétien.


L'ARCHEVÊQUE. - Sire, je ferai bonnement votre plaisir, de loin, et de près. Allons ! voici les saints fonts prêts : dépouillez-vous.


CLOVIS, se déshabillant. - Sur l'heure, mon doux ami, je me dévêtirai le cœur joyeux. Or çà, me voici dépouillé. Qu'ai-je de plus à faire ?


L'ARCHEVÊQUE. - Pour faire de vous un nouvel homme, il faut que vous vous mettiez ici dedans à genoux, et non à plat ventre, les mains jointes.


Clovis se met dans la cuve baptismale.


CLOVIS. - Sire, vous serez satisfait : m'y voici.


Ici vient une colombe avec une fiole.


L'ARCHEVÊQUE. - Ah ! doux Jésus-Christ, véritable ami, comme de mieux en mieux tu amènes tes œuvres ! Sire, tu savais bien et as vu du ciel ce dont j'avais besoin : c'est de chrême, merci à toi, sire, qui m'envoies cette colombe.


CLOVIS. - Qu'est-ce que je flaire de si bon, que vous tenez entre vos mains, sire ? Jamais depuis que je suis né je ne sentis si noble odeur ; elle m'a mis le cœur en grande joie. Certes, je tiens que c'est une sainte chose. Il n'est violette, ni lis ni rose, baume, cyprès, térébenthine, fleur de cannelle, tant soit fine, ni autre épice, que je puisse nommer, que cette odeur ne surpasse.

L'ARCHEVÊQUE. - Dites que Dieu, sire, vous aime, et vous ne mentirez point, puisqu'il veut que vous soyez oint de si précieuse liqueur et d'où vient si noble odeur comme vous sentez.


CLOVIS. - De me baptiser hâtez-vous, je vous en prie.


L'ARCHEVÊQUE. - Vous serez satisfait sur l'heure, cher sire, et sans difficulté... Dites-moi si vous renoncez à Satan.


CLOVIS. - J'y renonce, n'en doutez pas, sire, en vérité.


L'ARCHEVÊQUE. - Il me convient de savoir aussi si à ses pompes et à ses actes comme bon chrétien vous renoncez.


CLOVIS. - Oui, ma volonté est d'y renoncer.


L'ARCHEVÊQUE. - Seigneurs, il faut, je vous le déclare, lui changer son nom de Clovis ! comment l'appellera-t-on ?


SECOND CHEVALIER. - Louis. C'est un beau nom, sire.


L'ARCHEVÊQUE. - Louis, crois-tu en notre Sire Dieu le Père, dis-le sur l'heure, qui créa le ciel et la terre, et toi et moi ?


CLOVIS. - Oui, Vraiment, Sire, j'y crois certainement.


L'ARCHEVÊQUE. - Et que Jésus-Christ seulement est son fils véritable, qui de la Vierge naquit homme et Dieu, et pour notre rédemption souffrit de mort la passion sur là croix ?


CLOVIS. - Sire, je tiens que tout cela est vrai et je le crois ainsi.


L'ARCHEVÊQUE. - Et que le Saint-Esprit, dis-moi, est Dieu, le crois-tu de même ? Et en la catholique Église, et en la communion dé» saints, la rémission des péchés, et que tous ressusciteront, et qu'alors les bons seront mis en corps et en âme dans la gloire, et les mauvais en tourment éternel ?


CLOVIS. - Je crois tout ceci véritable, et n'en doute point.


L'ARCHEVÊQUE. - Que me requiers-tu en ce cas ?


CLOVIS. - Je requiers d'avoir le baptême de sainte Église.


L'ARCHEVÊQUE. - Tu l'auras donc ! Çà ! je le baptise comme chrétien, sois-en convaincu, au nom de Dieu le Père, le Fils (un peu d'intervalle) et le Saint Esprit aussi. Dieu le tout-puissant, qui t'a ici régénéré par cette eau, et par le Saint-Esprit t'a donné rémission de tes péchés au moyen de cette sainte onction, que tu me sens faire sur la tête, le veuille joindre avec lui dans la gloire éternelle.


CLOVIS. - Amen, je l'en prie de tout mon cœur.


L'ARCHEVÊQUE. - Seigneurs, il est besoin d'un large drap, je vous le rappelle, pour envelopper sa tête et tout son corps jusqu'à terre.


SECOND CHEVALIER. - Je l'ai tout prêt, sire. Il ne faut point aller en chercher.


L'ARCHEVÊQUE. - Baillez-le-moi, baillez : c'est bien. Sire, de ce drap-ci il faut que vous soyez enveloppé depuis le haut de la tête jusqu'à terre. Seigneurs, entre vous tous, sans tarder, levez-le haut entre vos bras.. Que l'un de mes clercs prenne ses habits, dont il sera vêtu une autre fois, quand ce jour-ci sera passé. Allons, en avant ! Ne vous arrêtez pas avant de l'avoir transporté dans son palais. Mes clercs et moi nous suivrons et nous chanterons en louant Dieu, qui de sa grâce a opéré si bien que sainte Église a recouvré si noble champion.


Allons ! Chantons ! Te Deum laudamus.
 

FIN.
 


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